jeudi 8 mars 2007

Renaud ?

Renaud Amevet


L'ASSASSIN AVAIT TROIS TÊTES

1. LE RETOUR DU REFOULÉ


Je me présente : Jérôme Molleton, ex-inspecteur à la PJ. Les plus vieux d'entre vous se souviennent sans doute du combat singulier qui m'opposa à Bertrand Tavernier, dit "Le Tueur de critiques" (cf. Désolé pour la moquette). Au moment où j'écris ces lignes, dans le but illusoire de mettre un peu d'ordre dans le chaos sans nom qu'est devenue ma vie, je me sens un peu comme une endive oubliée dans le bac à légumes du frigo de l'exil. Comment en suis-je arrivé là ? Telle est la question que je me pose parfois en repensant aux événements tragiques qui suivirent l'arrestation de Bertrand Tavernier...


Grâce à un plaidoyer vibrant de son avocat Maître Collard, Bertrand Tavernier fut condamné à mort. On lui laissa choisir sa fin : Tavernier opta pour un visionnage en boucle de Daddy Nostalgie jusqu'à une caramélisation totale du cerveau. Alors qu'on l'emmenait à la Vidéothèque de Paris, lieu du châtiment, Bertrand Tavernier s'est soudain saisi d'un sécateur de poche astucieusement dissimulé dans une prémolaire creuse, au moyen duquel il a décapité les douze chasseurs alpins chargés de sa surveillance, avant de s'enfuir dans la ville et la nuit, la bave aux lèvres, hurlant "VENGEANCE !" sous les yeux révulsés des passants innocents.


Le lendemain, on repêcha son tee-shirt Deep Purple dans la Seine. Officiellement, Bertrand Tavernier avait péri noyé – mais son corps restait introuvable.


Une semaine plus tard, dans une allée obscure du Bois de Boulogne, mon adjoint Bruno Cloquard fut découvert complètement mort par l'abbé Pierre. Étant donné le caractère franchement beurk du meurtre – le sang avait giclé jusqu'à Levallois-Perret – l'enquête avait conclu à une attaque de touristes belges mutants (cela arrive plus souvent qu'on ne le pense). Mais pour moi, le message était clair : Bertrand Tavernier revenait d'entre les morts et il n'était pas content.


Je ne dormais plus. Je croyais voir Bertrand Tavernier un peu partout, je n'avais plus goût à rien... Tout me paraissait fade, même les Gervitas – tu sais, ces yaourts super-bons avec de la crème fouettée dessus et une espèce de truc aux fruits dessous. Je changeai de ville, de lit, de corps, tout ça, et je refis ma vie loin de toute civilisation, en Bourgogne.



J'ouvris une agence de détective privé à Dijon. On parle assez peu de Dijon dans les médias – sauf parfois Laurent Ruquier ("Il moutarde de prendre un pot à Dijon") – et ce silence poli est complètement justifié : il se passe tellement peu de choses dans cette ville qu'on y voit certains chats se droguer par ennui.


Parallèlement, j'ai entrepris un gros travail sur moi-même avec le docteur Beretzki, un psychanalyste très très compétent – c'est lui qui a fait de Nicolas Peyrac une véritable serpillière humaine. Il m'a conseillé de prendre sur moi trois fois par jour avant chaque repas. Je lui ai demandé s'il ne se foutait pas un peu de ma gueule par hasard. Il m'a dit que si mais que ça faisait partie de la thérapie, au revoir, en sortant faites attention à la marche et au retour du refoulé. (Il est de l'école freudienne, mais à mon avis il a souvent séché les cours.)


Je dérivais sans but, fragile esquif perdu dans l'océan du doute, jusqu'à ce que le Destin frappe ses trois coups sur le chêne lourd de mon huis. C'était il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.


Elle entra dans mon bureau. Avec sa robe longue elle ressemblait à une aquarelle de Marie Laurencin. Elle avait la beauté sophistiquée d'un travelling de Brian De Palma, et ses yeux, d'une parité remarquable, lançaient comme des éclairs dans la nuit – phénomène météorologique d'autant plus étrange qu'il était à peine midi et quart. Je pressentais que cette femme m'entrainerait tôt ou tard dans le précipice sans fin d'une relation funeste, mais d'un autre côté elle avait des seins incroyables donc bon.





ELLE AVAIT LA BEAUTÉ SOPHISTIQUÉE D'UN TRAVELLING DE BRIAN DE PALMA...


— Mon nom est Léopoldine Doolittle.

— Enchanté : Louis Pasteur. Pardon : Zizi Jeanmaire. Euh : Jérôme Molleton. C'est ça : Molleton, Jérôme. Yeepee, je sais comment je m'appelle ! Vous ne vous rendez pas compte, mais c'est un cap très très important que je viens de franchir, là. Pfiou.

— Vous êtes un peu fragile en ce moment, vous, non ?

— Je suis une vraie ruine, vous voulez dire ! Mais j'ai bon espoir de recoller les morceaux d'ici une petite soixantaine d'années – à ce moment-là je serai mort. Haha. L'important c'est de prendre les choses avec humour hein. Haha(gnnn pas pleurer, pas pleurer gnnn)haha. Et à part ça, quel bon vent vous amène ?

— Regardez cette photo.


Elle me tendit un polaroid un peu flou que j'examinai rapidement :

— Ce cadrage improbable, cette totale absence de grâce : c'est une oeuvre de Charlélie Couture ?

— Je vous en prie, c'est une affaire sérieuse : regardez attentivement.


J'obtempérai. Ce que je vis me glaça de terreur.


(J'ai pris des cours de suspense avec John Grisham.)

03/2000




À SUIVRE

9 commentaires:

ARKHAM a dit…

ZobZob, un vrai nom professionel de blog qui sert à la formation de jeunes qui parlent super bien l'anglais.

danino a dit…

Et je dis ici bonjour à tous !

danino a dit…

Même aux cyber-squatteurs.

danino a dit…

http://arkham-comics.blogspot.com/

Anonyme a dit…

On censure à donf par ici. Why you hate the Game ???

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
danino a dit…

Euh, un flood pour pourrir le lien ci-dessus ?

Anonyme a dit…

Super censuré, ce blog.

danino a dit…

Ah oui, je coupe tout moi, je suis comme ça...